Spiritualité - Réflexions personnelles

Nous et nos parents

Si j’aborde un thème aussi banal mais en même temps aussi important que celui des parents, c’est parce qu’à mon sens il y a parmi les Hommes des croyances que je crois erronées sur le sens de la famille, sur le rôle de nos parents dans notre vie ainsi que sur notre rôle envers eux, croyances véhiculées par certaines cultures et religions dans le monde – qu’on soit croyant ou athée.

Je vois trop de gens autour de moi qui continuent de dépendre de leurs parents et qui s’empêchent de vivre leur vie jusqu’à la mort de ceux-ci. J’entends encore trop de parents dire que leurs enfants leur sont redevables ou j’en vois le leur faire comprendre d’une manière ou d’une autre.
Il est souvent difficile pour ces grands enfants de parvenir à être un jour autonomes.

La véritable famille que nous nous devons d’honorer, de chérir, de sauvegarder, de réunir, de préserver toujours et à tout prix, c’est la famille que nous construisons, et elle ne se compose que de notre mari/femme et de nos éventuels enfants.

S’il existe des dissensions entre nous et nos frères / sœurs ou parents, c’est parce que nos parents n’ont pas fait leur boulot de parents, c’est parce qu’ils n’ont pas réussi à maintenir l’entente dans leur famille. Ce n’est pas aux enfants à prendre le poids de leurs parents sur les épaules pour faire en sorte de réunir à nouveau la famille lorsque celle-ci a explosé.

A l’adolescence, l’enfant apprend petit à petit l’autonomie. Il se révolte contre ses parents pour prendre de l’assurance et pour commencer à petit à petit se libérer d’eux.
Je pense qu’il est dans la nature de l’Homme à l’âge de l’adolescence de se révolter. Son énergie sexuelle naît à ce moment-là et le pousse à se concrétiser dans sa vie et à éliminer des vieilles énergies qu’il sent ne pas lui convenir. Il se teste ainsi et teste ses parents. C’est aux parents à comprendre ce processus et à accepter que leur enfant se développe et mûrisse pour devenir un adulte indépendant. Une certaine violence très maladroite et non dirigée apparaît grâce à cette nouvelle énergie sexuelle puissante et l’adolescent apprend petit à petit avec les années à la canaliser. Cette révolte de l’adolescent est considérée comme anormale et négative car elle produit des réformes, et les gens ont peur des changements. Le processus ne se fait alors pas normalement et les conséquences en sont graves :
– Soit l’adolescent qui sent que sa révolte n’a pas de répondant risque de ne pas savoir diriger et équilibrer toute cette énergie qui monte en lui et risque de la disperser. La frustration qui en résultera provoquera en lui une violence destructrice;
– Soit il refoulera son énergie de révolte parce qu’il a appris qu’il doit obéir à ses parents et à se soumettre à leur volonté. Ces adultes-là vivent en fonction des autres au détriment d’eux-mêmes.
Le vrai dialogue parent/enfant existe rarement mais aussi l’acceptation de la part des parents de l’éclatement du cocon qui suppose une certaine violence. Détruire l’ancien pour re-naître ne se fait pas toujours de manière douce.
Si les parents n’entrent pas dans ce jeu :
-l’adolescent qui aura fui la maison parentale aura du mal à être équilibré et gardera de la rancune envers ses parents;
– l’adolescent soumis aura du mal à être autonome et intègre plus tard. Il restera dépendant de ses parents. Il continuera à les prendre en charge s’ils sont dans le besoin ou à leur rendre visite régulièrement pour leur faire plaisir ou pour en attendre de la reconnaissance s’il n’a pas reçu assez d’amour de leur part. Mais ce n’est pas ainsi qu’il honore son père et sa mère.
Cette libération au moment de l’adolescence ne peut se faire que si les parents aident leurs enfants dans ce processus, c’est-à-dire qu’ils doivent parvenir à se détacher de leurs enfants, au risque de ne plus jamais les revoir. C’est un acte d’amour pur et simple. Difficile mais merveilleux. Comme dans le règne animal, la lionne mord ses petits pour qu’ils s’éloignent d’elle et partent chasser tout seuls. Sans cela, ils mourraient. L’enfant à qui l’on a permis d’être autonome et libre de ses parents, se chargera de ceux-ci s’ils sont dans le besoin mais il le fera comme il le ferait pour n’importe qui sans rien attendre de retour et sans que ce soit au détriment de son bonheur, de même il retournera les voir dans sa vie d’adulte, non pour leur faire plaisir mais pour son propre plaisir. Et ainsi il respecte le « honore ton père et ta mère » Matthieu 19:19

Nous ne devons rien à nos parents. Honorer son père et sa mère, pour moi, c’est les accepter tels qu’ils sont, c’est ne pas garder de rancœur vis-à-vis d’eux, c’est les comprendre, c’est arriver à ne plus dépendre d’eux et à les considérer comme n’importe lequel de nos frères sur la Terre.
Et ce n’est que dans cet état d’esprit-là que l’on peut – uniquement si on le veut et s’il y a un appel de leur part – les aider s’ils sont dans le besoin. Les honorer ne veut pas dire leur devoir quelque chose et donc les aider SI les problèmes ne sont pas réglés avec eux. Il faut toujours bien se demander pourquoi on veut les aider, quand c’est le cas :
Tout d’abord « est-ce qu’il y a un appel de leur part ? ». S’ils n’en ont rien à foutre de nous, c’est leur choix qu’il faut respecter. Il n’y a donc rien à faire pour eux.
Ensuite « est-ce qu’on le fait pour en retirer quelque chose (amour, reconnaissance, chaleur,…) ?». Dans ce cas c’est pas bon non plus parce que ça signifie « manque » et donc que les choses ne sont pas réglées avec eux. Ou « est-ce qu’on le fait sans rien attendre, comme on aiderait un voisin qui le demande et est dans le besoin ? »
On n’aime pas ses parents lorsque l’on continue à les servir par obligation ou frustration.

« Celui qui ne se libère pas de son père et de sa mère ne pourra devenir mon disciple. Celui qui ne se libère pas de ses frères et de ses sœurs, et ne porte pas sa croix comme je la porte, il n’est pas digne de moi. » Paroles de Jésus – Evangile de Thomas, logion 55

Nous naissons tous avec un chemin plus ou moins difficile à parcourir. Ce sont nos parents qui mettent les premiers et les plus importants obstacles sur notre route, parce que notre âme l’a décidé ainsi.
Se libérer de nos parents signifie couper les liens karmiques que nous avons tissés avec eux. Cela suppose de comprendre non seulement leur souffrance qui les a amenés à nous faire du mal, mais également notre responsabilité qui nous a amené à accepter les situations de souffrance. Et quand on a découvert et compris le cadeau qu’ils nous ont fait, c’est merveilleux ! La compassion que l’on ressent alors mène au pardon, ou plutôt à la bénédiction.
Dans certains cas, se libérer peut vouloir dire aussi lâcher la main qui nous blesse, c’est-à-dire couper les ponts (physiques) en plus.

Dans la société actuelle, les normes, les convenances nous dictent que la famille qu’il faut toujours réunir, à tout prix, se compose non seulement de notre mari/femme et enfants mais aussi de nos parents et de nos frères et sœurs. Les conséquences en sont graves :
– la révolte des adolescents est considérée comme anormale et négative ;
– un enfant à l’âge adulte qui se détache de ses parents est considéré comme égoïste, ingrat, sans cœur ;
– certains enfants restent dépendants et risquent d’avoir du mal à construire leur propre vie ;
– certains enfants obéissent aveuglément à leurs parents qu’ils considèrent comme des dieux ;
– certains prennent le poids des mésententes familiales sur leur dos et s’assignent comme but dans leur vie de réunir la famille ;
– certains enfants vont parfois jusqu’à se priver de bonheur pour eux ;
– certains enfants se sentent obligés de rendre visite régulièrement à leur parent, par devoir, par besoin d’amour, par pitié, à contre cœur ; etc

En ce qui concerne la dépendance, je voudrais faire une distinction.
L’enfant qui doit petit à petit apprendre le détachement par rapport à ses parents ne peut véritablement les aimer qu’ainsi. Les parents doivent également apprendre le détachement par rapport à leurs enfants et ne peuvent réellement les aimer pour eux-mêmes qu’ainsi.
Pour moi, il n’en va pas de même dans un couple, entre le mari et la femme (le père et la mère), c’est-à-dire qu’à mon sens nous devons être indépendants par rapport à tout le monde A L’EXCEPTION de notre mari/femme.
En fait, le mot « dépendance » fait peur et est très critiqué par la société ainsi que par tous les mouvements spirituels. Ils trouvent un mot qui fait moins peur : « interdépendance ».
Et qu’est-ce que l’on voit autour de nous ? Là où nous devrions être indépendants, c’est-à-dire vis-à-vis de nos parents/enfants, nous continuons d’être dépendants ; et là où nous devrions être dépendants, c-à-d dans le couple, nous faisons tout pour être indépendants et nous y réussissons !

Peu de couples, de tout temps, peuvent dire qu’ils vivent pleinement l’amour, qu’ils sont unis aussi pour le pire.
Du temps où le divorce n’était pas permis et plus tard où il était mal vu, surtout pour des raisons religieuses, beaucoup de couples ont fait du tort à leurs enfants en n’étant pas unis, pas à leur place, non pas seulement physiquement, mais énergétiquement surtout.
De notre temps où le divorce est devenu banal et où l’on consomme et jette dès que « ça » ne plaît plus (même son conjoint !), les enfants continuent d’en souffrir.
Mais attention, ils ne sont pas victimes pour autant !
Lorsque l’un des conjoints est « absent » du couple, c’est-à-dire que son attention est focalisée en dehors du couple, souvent inconsciemment (par exemple vers un jumeau dont l’absence provoque un vide, ou vers un autre homme/femme avec qui la relation n’est pas possible et qu’on idéalise de ce fait, ou vers d’autres hommes/femmes parce qu’on n’est jamais satisfait(e), etc), aucun des deux conjoints ne trouvera sa place dans le couple. L’enfant sent cela. L’enfant sent tout. Il sent le non-amour, il sent la souffrance de ses parents et par amour il se sacrifie pour ses parents et peut aller jusqu’à prendre la place de l’un de ses parents (souvent inconsciemment) en espérant ainsi alléger leur souffrance.
Les enfants qui subissent des sévisses physiques, sexuels, ou les enfants suicidaires sont des enfants qui se sacrifient pour leurs parents.
Dans les cas d’inceste par exemple, il ne faut pas sous-estimer le rôle très important de la mère. Le père ne serait «qu’» un exécutant. Je sais, ça choque et moi aussi ça m’a choquée quand j’ai lu ça dans « constellations familiales » de Bert Hellinger, mais si on y réfléchit bien, c’est cohérent. Il s’agit en fait souvent de mères qui ne prennent pas leur place ni dans le couple ni vis-à-vis de leurs enfants qu’elles négligent ou ne reconnaissent pas en tant que tels, parce que par exemple, comme je le dis plus haut, elles ont quelqu’un d’autre « dans la peau » (amoureux, jumeau, frère ou sœur dont elle est très attachée et qui est loin d’elles) qui mobilise toute leur attention et toute leur énergie. Il en résulte qu’elles ne remplissent pas leur rôle de femme ni de mère. Le père sera perdu, malheureux et frustré sans savoir pourquoi. S’ils ont une fille, celle-ci sentira la détresse de son père et ouvrira les portes de son cœur, par amour et en toute innocence, sans en connaître les conséquences pour elle-même. Le père trouvera en sa fille « une épouse de remplacement », inconsciemment, mais parfois consciemment.
Il est très difficile pour les enfants de se détacher de leurs parents lorsqu’ils se sont « sacrifiés » depuis tout petits. Et pourtant c’est ce qu’ils doivent apprendre.
Les enfants qui ont du mal a se détacher de leurs parents auront besoin d’indépendance et c’est malheureusement envers leur conjoint/partenaire qu’ils la réaliseront.

Jésus a dit :
« Celui qui ne renonce pas à son père et à sa mère comme moi ne pourra devenir mon disciple. Mais celui qui n’aime pas son Père et sa Mère comme moi ne pourra devenir mon disciple. Car ma mère m’a enfanté, mais ma Mère véritable m’a donné la Vie. » Evangile de Thomas, logion 101.

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