L’oie
Il était une fois
une blanche oie
qui pouvait en un claquement de doigt
se métamorphoser en l’animal de son choix
pourvu qu’il ne fût pas à sang froid.
Elle n’était pas bête comme une oie
mais avait un je-ne-sais-quoi
d’innocent chaque fois
qu’elle se vantait de ses exploits,
laissant tous ses amis sans voix.
Elle usait et abusait de ce don prêt à l’emploi,
offert par une sorte de troll des bois,
en échange de trois œufs d’or pondus à froid
et la promesse de se faire aimer par choix
d’un humain que les animaux ont toujours laissé froid,
mais elle se fit taper sur les doigts
car elle courait plusieurs lièvres à la fois.
Elle ne se le fit pas dire deux fois,
et elle décida sans fausse joie
de devenir un animal domestique digne d’un roi
et de vouer sa vie à des gens généreux et droits
assez riches pour lui donner un toit
mais pas au point de péter dans la soie.
Le jour où elle trouva enfin sa voie
elle croisa un beau grand Gaulois
qui visitait son beau pays gallois.
« C’est lui », lui dit son petit doigt,
mais à son grand désarroi
Jean-Luc n’éprouva rien à son endroit.
Comme elle avait le droit
de faire flèche de tout bois,
elle se transforma en pékinois,
puis en chihuahua ;
elle essaya aussi le chat siamois,
mais ils ne lui firent ni chaud ni froid.
Que faire ? C’était la bannière et la croix !
Quoi qu’il en soit,
à cet instant elle dut redevenir oie
en moins de trois
pour qu’il ne lui glissât pas entre les doigts
au volant de sa BM fendant la purée de pois
tombée en une fois.
Elle le suivit en restant bien sur son quant-à-soi
pendant des kilomètres – exactement 743 –
jusqu’à la case départ sans passer, comme il échoit
parfois
dans le jeu de l’oie,
par la prison, case 33.
Elle touchait le but du doigt !
Perchée sur un toit,
elle observa son futur chez-soi
non sans quelque émoi.
Elle se voyait déjà faire la loi,
mordillant fils, tuyaux et coussins de soie,
disséminant par endroits
ses crottes couleur caca d’oie …
Oui mais, quel animal en soi
pourrait bien s’en donner à coeur joie
sans que Jean-Luc ne le rabrouât ?
De vous à moi,
certainement pas une oie !
Et pourquoi pas une baudroie* ?
Elle avait, elle me l’avoua,
un humour à la noix.
Par contre, un lapin nain, angora de surcroît,
aurait toutes ses chances, ma foi.
Elle mit encore pas mal de mois
toutefois
avant de trouver un piège adroit,
moins pervers qu’un cheval de Troie.
La suite, tu la connais sur le bout des doigts.
Maintenant, tu vas peut-être regarder avec effroi
la boule de poils que tu choies,
ça va de soi.
Mais ne sois pas aux abois,
Hercule restera lapin, foi d’oie !
En fait, Jean-Luc, ça ne dépend que de toi.
Ben oui, c’est pas chinois,
faut faire un effort, quoi !
Il suffit que tu t’octroies
au moins huit jours par mois
un repos mérité de plein droit,
et que ce 24 mars tu festoies
comme il se doit,
en évitant de manger du lapin, même froid !
Joyeux anniversaire à toi,
de Joaquim et de moi !
* Grand poisson de mer à grosse tête surmontée de tentacules (appelé aussi lotte)
Pour Jean-Luc
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Le pur-sang
Il était une fois un pur-sang
cent pour cent
pur de sang
qui se retrouva l’an finissant
le héros fracassant
d’un petit poème divertissant
et ô combien rajeunissant
dédié à Ana qui, soit dit en passant,
se vexait de n’avoir reçu jusqu’à présent
que les compliments amusants
d’un pou, certes innocent,
mais quand même repoussant.
En un mot comme en cent
elle méritait mieux, de bon gré j’y consens.
Il était noble et imposant
notre bel étalon paissant ;
il avait les yeux perçants
des chevaux persans.
Il avait dans un passé plus très récent
remporté tant de courses – oh bien cent ! –
et fait gagner des mille et des cents
à des gens pathétiques et suffisants
dénués de tout sentiment bienfaisant
qui l’abandonnèrent comme un rat mollissant
alors qu’il n’avait même pas dix ans.
Bande d’inconscients !
De son pré sur l’autre versant
son regard se faisait compatissant
quand il voyait Ana dans sa cuisine, décrassant,
fumant, récurant, rugissant,
bref, suant eau et sang
pour que ses fils et son chéri soient reconnaissants.
Les jours « avec », elle était dans un état éblouissant,
surtout quand elle écoutait Johnny en dansant,
mais il y avait les jours « sans »
où elle se rongeait les sangs.
Malgré l’âge avançant,
son visage toujours resplendissant
ne prenait pas un seul pli flétrissant.
Notre bel étalon hennissant
n’était pas non plus exempt
d’un organe auditif puissant.
Il trouvait l’humour d’Ana plaisant,
que son léger accent
rendait renversant,
mais qui se faisait un peu grinçant
quand elle parlait des paysans
qu’elle appelait « bourrins » en gloussant.
Il y avait chez elle quelque chose d’attendrissant
qui avait sur lui un effet apaisant.
Il sentit soudain le besoin pressant
de lui envoyer un message réjouissant,
mais notre bel étalon vieillissant
n’osa pas se lancer sur ce terrain glissant.
Il chercha parmi ses amis récents
un volatile qui fût assez patient
et pas trop menaçant
pour ne pas finir dans un bain de sang.
Car Ana, dans un claquement retentissant,
trucidait sans merci et à son escient
tout insecte volant ou bondissant
soi-disant
salissant
qui osait s’aventurer dans sa maison, bon sang !
Dame coccinelle sur sa tige se balançant
s’amusait de voir le défilé incessant
d’animaux de tout poil qui avaient répondu présents
et qui, en passant
devant notre bel étalon grimaçant,
faisaient des courbettes tels des courtisans
pour devenir son favori et pouvoir jouer les Tarzans.
Les mouches, les moustiques, les vers luisants,
les rats, les taupes, les corneilles, les faisans,
étaient tous récusés d’un geste impatient.
La coccinelle en était fort aise, fût-ce agaçant,
et se mit à rire de plus belle, fût-ce indécent.
L’attention du pur-sang
fut attirée par ces rires rafraîchissants.
Il sentait qu’ils ne venaient pas de son subconscient
mais bien de la petite bestiole se trémoussant
maintenant devant son museau luisant.
L’espoir renaissant,
– car il était là, l’émissaire idéal et complaisant,
qui serait épargné, il en était conscient, –
il lui demanda d’un ton caressant
de remettre à Ana un petit présent
avec un message sous-jacent.
Alors, chère Ana, sache à présent
que les petits cacas jaune fluorescent
que laissent les bêtes à bon dieu d’un air innocent
sont des signes du Tout-puissant
qui nous disent de jouir du moment présent
et de toujours mettre l’accent
sur les plaisirs innocents.
Ce faisant,
la coccinelle en ajouta encore cent
pour lui souhaiter un anniversaire joyeux et effervescent
de la part du bel étalon rougissant.
Pour Ana
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