Le cabot
Il était une fois un pauvre cabot
abandonné à son triste sort de vipo,
qui avait beau
faire le beau
pour qu’on le laisse manger à la fortune du pot
dans les dépotoirs municipaux,
il se faisait à chaque fois jeter comme un oripeau
en deux coups de cuillère à pot
par ses congénères dignes des plus sales tripots.
Il en bavait des ronds de chapeau !
C’était pas un chien spécialement beau ;
il était petit et avait une gueule de crapaud,
les autres SMF * l’appelaient d’ailleurs « le laid nabot »,
mais il ne le savait pas car il était sourd comme un pot.
Malgré son manque de pot,
il se sentait plutôt bien dans sa peau.
Il avait juste pas fait les choix à-propos,
du temps où il portait encore beau
quand il était gardien de troupeau
dans sa verte campagne où chantent les crapauds
et coassent les corbeaux.
Un grand clébard, qui devait être de Satan le suppôt,
était venu troubler son repos
en l’invitant à prendre un pot.
Le molosse, genre vieux beau
affublé d’un collier qui avait dû coûter des fesses la peau,
n’avait pas tourné longtemps autour du pot,
pour faire comprendre dans ses propos
qu’il lui offrait un destin tout nouveau tout beau.
Il lui avait même fait des engagements verbaux,
si bien que notre cabot
ne l’avait pas vu arriver avec ses gros sabots,
car tout ça c’était que du pipeau.
Il s’était alors retrouvé enfermé dans un sordide entrepôt,
comme dans les plus noires séries de Columbo.
Là, il avait payé sa crédulité plein pot !
Il était finalement parvenu à s’échapper sans trop de bobos.
Epuisé, sale, affamé, et conscient d’avoir risqué sa peau
il avait longtemps erré dans les rues de la ville peuplées de robots
et, des années durant, s’était battu pour éviter le tombeau
jusqu’à ce qu’il tombât sur une photo floue en lambeaux
dans une décharge au milieu des bandes velpeau,
des pots cassés et des seringues peut-être séropos.
C’était une photo de ferme qui sentait bon le repos.
Au verso il était marqué quelque chose comme Spy ou Spo ;
c’était pas clair à cause des crasseux dépôts
mais cette image réveilla sa conscience au repos
et sans plus tarder il fila plein pot
retrouver son troupeau, ses crapauds et ses corbeaux.
*sans maître fixe
Bon, c’est pas du Rimbaud
mais c’est la façon que j’ai choisie de te donner un coup de chapeau
en ce jour de fête à marquer d’un flambeau !
Pour Alain M.
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Le tigre
Il était une fois une espèce de félin
de sexe masculin
au poil tigré et au museau aquilin
qui, à force de faire le malin,
s’était fait une réputation de margoulin.
Petit déjà, il prenait un plaisir malin
à jouer des tours vilains
au chapelain
de son petit patelin.
Il était hyperactif comme un jeune poulain,
et comme il avait su jouer au plus malin
il avait heureusement échappé au Ritalin.
Faut dire qu’il avait manqué de câlins
car il était devenu très tôt orphelin,
mais il était pas le genre qui se plaint,
et il avait finalement tourné au vilain.
Il se laissa embarquer dans un job à temps plein
comme trafiquant en minéraux cristallins
et avait dû pour ce faire rompre tous ses liens.
En somme, sa vie ne valait pas un fifrelin !
Il commençait à sentir le trop-plein
lorsqu’il reçut un message sibyllin
sur papier vélin
écrit de la main
d’un certain Merlin.
Il devait se rendre au Vieux Moulin
le jour où la lune serait en son plein.
Ce jour-là, Monsieur tigre avait des allures de châtelain
dans son costume trois pièces pur lin
quand il arriva devant la maison de Merlin.
Drelin, drelin !
Un vieil homme aux petits yeux malins
le fit s’asseoir et appela son valet Paulin
qui revint avec thé, biscuits et craquelins.
L’Enchanteur n’alla pas par quatre chemins,
pour lui dire qu’il se trompait de chemin.
En tant que défenseur de la veuve et de l’orphelin
Il se devait de le prendre en main
et de le remettre dans le droit chemin,
celui d’un noble félin
censé représenter Zoé et tous les humains
avec qui il est astrologiquement en lien.
« Un tigre est courageux, impulsif mais pas vilain ;
il est habile de ses mains
et va au-delà du simple coup de main,
parce qu’il a le cœur sur la main.
Toujours maître de lui, jamais plein,
son tempérament galvanise les autres en plein.
De plus, il a de l’humour et est très enclin
aux câlins. »
Notre tigre comprit déjà à mi-chemin
qu’il ne pouvait être à la fois au four et au moulin
et qu’il devait faire un choix, somme toute pas très cornélien,
entre poursuivre son déclin
et retrouver ses vrais instincts félins.
C’est ainsi qu’en un tournemain,
Merlin le débarrassa de son aspect humain
et Tigre entra dans la légende dès le lendemain.
Pour Zoé
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