Le mensonge des religions patriarcales
Avant Yahvé, premier dieu célibataire, c’est-à-dire premier dieu sans contrepartie féminine de toute l’histoire, le féminin était sacralisé à côté du masculin, comme en témoigne la composition des panthéons tant égyptien, que grec, phénicien, cananéen, akkadien, babylonien… pour ne citer que des exemples concernant les territoires qui jouxtent, entourent ou, pour ce qui est de Canaan, ont servi de théâtre aux faits relatés par l’Ancien Testament.
Dans ces différents pays, la figure de la Déesse était encore souvent prégnante à l’époque biblique, comme on peut le constater à travers les innombrables passages de l’Ancien Testament qui résonnent des imprécations de Yahvé contre l’ancien culte voué à celle « dont les noms sont innombrables », Astarté la Très Haute, la Reine du Ceil et de la Terre.Car le divin avait d’abord été conçu comme étant féminin. Astarté n’était qu’un avatar tardif d’Ishtar, déesse des Akkadiens, qui avait elle-même succédé à la grande déesse sumérienne Inanna, maîtresse de la Fertilité/Fécondité, c’est-à-dire créatrice de toute vie. Plus avant encore, les différentes étapes du néolithique s’étaient elles aussi structurées autour d’une Déesse-Mère dont on peut voir les diverses représentations symboliques sur les objets datant de cette période. Ce concept d’un divin féminin, très antérieur à l’émergence des dieux mâles, semble avoir été universel puisqu’on en retrouve les traces tant au Proche- et au Moyen-Orient, qu’en Extrême-Orient, en Europe, jusqu’aux pays scandinaves et en Afrique… Les mythes de Sumer racontent le formidable combat, aux environs de 3000 av. J.-C., des premiers héros mâles en quête de divinisation, contre la Déesse jusque-là conçue comme Créatrice des mondes et de la vie sous toutes ses formes, pourvoyeuse de l’Eau fertile et du Grain qui nourrit. […] Les héros qui, bien avant Yahvé, se sont attaqués au culte du divin féminin, ont pour noms Gilgamesh, Baal, Ninurta, puis Marduk… Les mythes de Sumer – les plus anciens témoignages écrits retrouvés à ce jour – résonnent d’un bout à l’autre de la fureur de leurs expéditions guerrières sur les flancs de la Montagne sacrée qu’ils veulent conquérir pour eux-mêmes, mettant à bas le règne de la Déesse, et massacrant ses grandes prêtresses dont ils convoitent le trône à la fois terrestre et divin. […] Les mythes montrent que la conquête patriarcale s’est déroulée conjointement sur les plans temporel et divin, les premiers dieux (Enki, Enlil, Nanna…) venant asseoir la légitilité des nouveaux monarques, mâles, en même temps qu’ils reléguaient la Déesse. Pour les dieux comme pour les rois, il s’agissait de vaincre la « première humanité » constituée par les fidèles de la Grande Mère. Il fallait ensuite déraciner les anciennes croyances, pour parvenir à imposer la « deuxième humanité » patriarcale, structurée sur la terre comme au ciel autour du principe masculin. Humanité patriarcale d’où a émergé Yahvé, le Dieu mâle unique qui a terminé l’œuvre d’éradication du fémining divin. (Pages 102 à 105 – Edition Alphée). 2. Le christianisme officiel s’est détourné de l’enseignement de Jésus Ainsi Pierre, Paul et tous les évêques après eux, ont-ils enseveli l’enseignement si profondément novateur de Jésus, le message de paix et d’amour se retransformant en message d’exclusion et de geurre. Guerre menée par une moitié de l’humain sur l’autre moitié et ce, tant à l’intérieur de l’individu que dans la société : l’esprit (assimilé à la force mâle) ayant pour tâche d’écraser le corps assimilé à la réalité femelle (parfois jusqu’à des attitudes extrêmes, macérations, flagellations et autres mortifications des moines) ; l’homme étant conforté dans sa supériorité et son bon droit à écraser la femme ; et le divin, conçu comme extérieur et d’essence radicalement différente, ayant pour finalité de culpabiliser l’humain afin de le soumettre. 3. Jésus ne partageait pas l’horreur du féminin dont l’Eglise a longtemps été imprégnée L’attitude de Jésus vis-à-vis des femmes et du féminin ne reflète en rien la misogynie des rédacteurs de l’Ancien Testament. Misogynie qui fut pourtant reprise par la hiérarchie de l’Eglise, comme on peut le voir dans ce qui suit. Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? (Jn VIII, 4-5) Ce faisant, les autorités judaïques veulent tester Jésus et vérifier s’il adhère à leur foi – situation qui revient fréquemment dans les Evangiles et qui montre à quel point l’enseignement de Jésus devait diverger de ce qu’enseignait la Loi. On connaît la réponse de ce dernier : Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus. A la démonisation de la sexualité féminine située hors cadre du mariage, à sa répression féroce par la Loi juive puisque l’adultère des femmes est traité comme un véritable crime, puni de mort, Jésus oppose une logique de justice et une droitesse tranquille : qui peut se faire le juge de l’autre ? Qui n’a jamais commis d’actions répréhensibles ? 4. L’enseignement de Jésus, considéré comme hérétique, a été réécrit par l’Eglise Il faut rappeler que le canon (terme qui signifie « règle ») du Nouveau Testament, c’est-à-dire la liste des écrits reconnus comme livres saints par l’Eglise, s’est trouvé fixé dans ses grandes lignes au IVe siècle, bien que le contenu n’en ait été définitivement arrêté qu’au concile de Trente, en 1546. Une liste de textes, première esquisse de canon, avait déjà été établie vers le début du IIIe siècle. Cette liste, qui porte le nom de « canon de Muratori » – du nom de celui qui la découvrit au XVIIIe siècle -, « si elle apparaît encore hésitante sur certains écrits à accepter, est pourtant catégorique sur ce qu’il convient de rejeter comme hérétique », écrit Pierre-Marie Beaude. (P.-M. Beaude, Premiers chrétiens, premiers martyrs, Paris, Gallimard, 1993, p. 137) 5. L’Eglise s’est efforcée de légitimer Pierre, celui qui hait la race des femmes En affirmant […] ainsi la primauté de Pierre, les Actes des Apôtres consacrent donc l’ensevelissement définitif de Marie l’Eveillée, qui, contrairement à ce qui se passe dans les Evangiles, n’est pas même citée. L’apologétique centrée sur Pierre, dans tout ce début des Actes, est si intense et visiblement si peu en rapport avec la personnalité réelle de l’apôtre, qu’il est apparu nécessaire au rédacteur de la justifier. Ainsi, tandis que les discours successifs, très organisés, qu’on lui fait tenir, se révèlent comme de longs développements didactiques concernant l’Histoire Sainte juive (développements destinés toujours à relier Jésus à cette histoire), on peut lire le passage suivant, qui cherche visiblement à rendre crédible cette éloquence inattendue de la part d’un pêcheur sans instruction : Les chefs, les anciens et les scribes qui se trouvaient à Jérusalem […] constataient l’assurance de Pierre et de Jean et, se rendant compte qu’il s’agissait d’hommes sans instruction et de gens quelconques, ils en étaient étonnés. (Ac IV, 13) Quoique le texte cite Jean et Pierre, Jean est présenté comme un figurant muet : il ne fait qu’accompagner Pierre, assistant aux guérisons que réalise celui-ci, écoutant les discours qu’il prononce. Tout se passe comme si la mention de cette présence de Jean servait elle aussi à crédibiliser la nouvelle image de Pierre, dont le texte rappelle que, le connaissant et le sachant sans instruction, les assistants s’étonnent de son érudition soudaine. Selon que l’on se tourne vers les Evangiles gnostiques interdits par l’Eglise officielle ou bien au contraire vers les Actes des Apôtres, on a donc deux images très différentes de Pierre. Dans le premier cas, disciple lourd et obtus qui provoque l’agacement de l’Enseigneur et même sa colère par ses vues « qui ne sont pas celles de Dieu mais des hommes », le contraire d’éveillé puisqu’il s’endort par trois fois, la dernière nuit, à Gethsémani, suscitant l’ironie amère de Jésus ; disciple de caractère péremptoire, misogyne « qui hait la race de femmes », désemparé après la mort de Jésus et qui, ne trouvant pas assez de foi en lui-même, tente pourtant de se tourner vers elle, la compagne, la disciple préférée qu’il a toujours jalousée. Ou au contraire, dans les Actes, personnalité de chef, brillant et plein d’autorité, émergeant d’emblée parmi les disciples dès après la résurrection de Jésus. Chef que l’Eglise officielle s’efforce de légitimer en lui attribuant un certain nombres de paroles apologétiques le concernant et qu’on met dans la bouche de Jésus, comme la suivante : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. (Mt XVI, 18) Parole que l’exégèse s’accorde aujourd’hui pour reconnaître comme n’étant pas authentique. (Pages 290-291 – Edition Alphée) 6. L’être humain se réalisera « lorsqu’il fera du masculin et du féminin un Unique » Jésus vit des petits qui étaient au sein. […] Le haut doit toucher le bas. Ce n’est pas une lapalissade, mais une indication de travail. Beaucoup n’ont pas la tête sur les épaules ; ce qu’ils rêvent est souvent contradictoire avec les pulsions de leur corps. Le haut et le bas sont quelquefois totalement séparés. L’intégration du céleste et du terrestre, la non-opposition du charnel et du spirituel, telle est l’œuvre du gnostique. Cela passe aussi par l’intégration du masculin et du féminin, de l’anima et de l’animus. il s’agit de réaliser en nous les noces de l’homme et de la femme, sinon nous chercherons à l’extérieur la moitié qui nous manque ; nous ne nous rencontrerons pas en tant que personnes, indivises et réalisées.
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