Spiritualité - Textes choisis

Le mensonge des religions patriarcales



1. Avant Yahvé, la culture du divin féminin
Extrait de « Jésus et les femmes » de Françoise Gange
Avant Yahvé, premier dieu célibataire, c’est-à-dire premier dieu sans contrepartie féminine de toute l’histoire, le féminin était sacralisé à côté du masculin, comme en témoigne la composition des panthéons tant égyptien, que grec, phénicien, cananéen, akkadien, babylonien… pour ne citer que des exemples concernant les territoires qui jouxtent, entourent ou, pour ce qui est de Canaan, ont servi de théâtre aux faits relatés par l’Ancien Testament.
Dans ces différents pays, la figure de la Déesse était encore souvent prégnante à l’époque biblique, comme on peut le constater à travers les innombrables passages de l’Ancien Testament qui résonnent des imprécations de Yahvé contre l’ancien culte voué à celle « dont les noms sont innombrables », Astarté la Très Haute, la Reine du Ceil et de la Terre.Car le divin avait d’abord été conçu comme étant féminin. Astarté n’était qu’un avatar tardif d’Ishtar, déesse des Akkadiens, qui avait elle-même succédé à la grande déesse sumérienne Inanna, maîtresse de la Fertilité/Fécondité, c’est-à-dire créatrice de toute vie.
Plus avant encore, les différentes étapes du néolithique s’étaient elles aussi structurées autour d’une Déesse-Mère dont on peut voir les diverses représentations symboliques sur les objets datant de cette période.
Ce concept d’un divin féminin, très antérieur à l’émergence des dieux mâles, semble avoir été universel puisqu’on en retrouve les traces tant au Proche- et au Moyen-Orient, qu’en Extrême-Orient, en Europe, jusqu’aux pays scandinaves et en Afrique…
Les mythes de Sumer racontent le formidable combat, aux environs de 3000 av. J.-C., des premiers héros mâles en quête de divinisation, contre la Déesse jusque-là conçue comme Créatrice des mondes et de la vie sous toutes ses formes, pourvoyeuse de l’Eau fertile et du Grain qui nourrit.
[…]
Les héros qui, bien avant Yahvé, se sont attaqués au culte du divin féminin, ont pour noms Gilgamesh, Baal, Ninurta, puis Marduk… Les mythes de Sumer – les plus anciens témoignages écrits retrouvés à ce jour – résonnent d’un bout à l’autre de la fureur de leurs expéditions guerrières sur les flancs de la Montagne sacrée qu’ils veulent conquérir pour eux-mêmes, mettant à bas le règne de la Déesse, et massacrant ses grandes prêtresses dont ils convoitent le trône à la fois terrestre et divin.
[…]
Les mythes montrent que la conquête patriarcale s’est déroulée conjointement sur les plans temporel et divin, les premiers dieux (Enki, Enlil, Nanna…) venant asseoir la légitilité des nouveaux monarques, mâles, en même temps qu’ils reléguaient la Déesse.
Pour les dieux comme pour les rois, il s’agissait de vaincre la « première humanité » constituée par les fidèles de la Grande Mère. Il fallait ensuite déraciner les anciennes croyances, pour parvenir à imposer la « deuxième humanité » patriarcale, structurée sur la terre comme au ciel autour du principe masculin. Humanité patriarcale d’où a émergé Yahvé, le Dieu mâle unique qui a terminé l’œuvre d’éradication du fémining divin. (Pages 102 à 105 – Edition Alphée).


2. Le christianisme officiel s’est détourné de l’enseignement de Jésus
Extrait de « Jésus et les femmes » de Françoise Gange

Ainsi Pierre, Paul et tous les évêques après eux, ont-ils enseveli l’enseignement si profondément novateur de Jésus, le message de paix et d’amour se retransformant en message d’exclusion et de geurre. Guerre menée par une moitié de l’humain sur l’autre moitié et ce, tant à l’intérieur de l’individu que dans la société : l’esprit (assimilé à la force mâle) ayant pour tâche d’écraser le corps assimilé à la réalité femelle (parfois jusqu’à des attitudes extrêmes, macérations, flagellations et autres mortifications des moines) ; l’homme étant conforté dans sa supériorité et son bon droit à écraser la femme ; et le divin, conçu comme extérieur et d’essence radicalement différente, ayant pour finalité de culpabiliser l’humain afin de le soumettre.
Le christianisme officiel faisait ainsi perdre à l’humanité sa change d’accéder à la grandeur véritable, qui réside dans la conscience de ce que le divin est au-dedans de chacun : Royaume à atteindre par la quête intérieure, ardente et sincère, comme le dit l’Enseigneur dans tous les manuscrits de la gnose interdite, et tout spécialement dans L’évangile selon Thomas. (Page 194 – Edition Alphée)


3. Jésus ne partageait pas l’horreur du féminin dont l’Eglise a longtemps été imprégnée
Extrait de « Jésus et les femmes » de Françoise Gange

L’attitude de Jésus vis-à-vis des femmes et du féminin ne reflète en rien la misogynie des rédacteurs de l’Ancien Testament. Misogynie qui fut pourtant reprise par la hiérarchie de l’Eglise, comme on peut le voir dans ce qui suit.
Au IIIe siècle, afin d’affirmer le caractère divin de Jésus et de dégager ce dernier de la souillure que représentait sa naissance du corps d’une femme, l’Eglise développa l’image du Fils engendré dans le sein du Père éternel. Tandis qu’au Ve siècle, ayant imposé la divinité de Jésus, elle se demanda dans le même état d’esprit comment, Jésus étant Dieu, il pouvait avoir subi une seconde génération du sein d’une femme.
L’idée paraissait si répugnante au patriarche de Constantinople, Nestorius, qu’il s’indignait dans une lettre à son collègue Cyrille d’Alexandrie : « Tu oses dire que le Fils de Dieu a été porté dans le sein, qu’il grossissait, puis qu’il a été allaité, langé ? Cela suffit : ne retourne pas aux mythologies païennes. » Et Nestorius avait alors imaginé le compromis suivant : le fils de Dieu était venu s’installer dans l’enfant naissant, sans subir le processus humiliant de la génération.
Or Jésus ne semble pas avoir partagé cette horreur du féminin et de ce qui lui était traditionnellement lié : la maternité, les enfants, les tâches du quotidien, ni même la sexualité féminine lorsqu’il arrivait qu’elle débordât du cadre rigide que les préceptes juifs lui imposaient.
Il ne condamne pas la femme adultère que lui amènent scribes et parisiens, prêts à la lapider comme le prescrivait la Loi judaïque.

Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère. Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? (Jn VIII, 4-5)

Ce faisant, les autorités judaïques veulent tester Jésus et vérifier s’il adhère à leur foi – situation qui revient fréquemment dans les Evangiles et qui montre à quel point l’enseignement de Jésus devait diverger de ce qu’enseignait la Loi. On connaît la réponse de ce dernier :
Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre !
Les accusateurs étant partis décontenancés, Jésus fait alors remarquer à celle dont il vient de sauver la vie, qu’elle est libre de s’en aller puisqu’ils ne l’ont pas condamnée, et il ajoute :

Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et ne pèche plus.

A la démonisation de la sexualité féminine située hors cadre du mariage, à sa répression féroce par la Loi juive puisque l’adultère des femmes est traité comme un véritable crime, puni de mort, Jésus oppose une logique de justice et une droitesse tranquille : qui peut se faire le juge de l’autre ? Qui n’a jamais commis d’actions répréhensibles ?
Il faut rappeler que dans l’Ancien Testament, source de la Loi qui condamne à la lapidation la femme adultère, la polygamie est tolérée pour les hommes et même bien vue : Salomon avait « sept cents épouses de rang princier et trois cents concubines ».(Page 28-29 – Edition Alphée)


4. L’enseignement de Jésus, considéré comme hérétique, a été réécrit par l’Eglise
Extrait de « Jésus et les femmes » de Françoise Gange

Il faut rappeler que le canon (terme qui signifie « règle ») du Nouveau Testament, c’est-à-dire la liste des écrits reconnus comme livres saints par l’Eglise, s’est trouvé fixé dans ses grandes lignes au IVe siècle, bien que le contenu n’en ait été définitivement arrêté qu’au concile de Trente, en 1546.
C’est saint Jérôme (vers 342-420) qui fut chargé par le pape Damase d’établir la version définitive des Evangiles et des Actes des Apôtres, et il se plaint dans une lettre de la difficulté du travail, due au mélange de textes.

Une liste de textes, première esquisse de canon, avait déjà été établie vers le début du IIIe siècle. Cette liste, qui porte le nom de « canon de Muratori » – du nom de celui qui la découvrit au XVIIIe siècle -, « si elle apparaît encore hésitante sur certains écrits à accepter, est pourtant catégorique sur ce qu’il convient de rejeter comme hérétique », écrit Pierre-Marie Beaude. (P.-M. Beaude, Premiers chrétiens, premiers martyrs, Paris, Gallimard, 1993, p. 137)
Or ce qu’il convenait de rejeter catérogiquement comme hérétique, c’était précisément les témoignages gnostiques, les originaux des textes retrouvés à Nag Hammadi – ces Evangile selon Philippe, Evangile selon Thomas, Evangile selon Marie, et tous les autres textes que le sable du désert d’Egypte a rendus si récemment, après presque deux mille ans d’ensevelissement – et bien d’autres œuvres gnostiques, détruites, qui ne sont connues que par les écrits déformés des évêques censeurs, soucieux d’extirper l’hérésie.
Mis à l’index par la hiérarchie de l’Eglise judaïsante qui s’était instaurée dès le IIe siècle, les écrits gnostiques circulèrent pourtant jusqu’au début du IVe siècle, date à laquelle un événement majeur vint infléchir irrémédiablement la balance des forces en défaveur de la gnose. Cet événement fut l’arrêt définitif, par l’empereur Constantin, des persécutions menées jusque-là de façon sporadique par ses prédécesseurs contre les chrétiens. Cette officialisation par Constantin de l’Eglise judaïsante allait donner à cette dernière de nouvelles forces dans l’entreprise de persécution des hérétiques. Persécution qui devint systématique, dotée désormais de l’appui du bras séculier.(Pages 199-200 – Edition Alphée)


5. L’Eglise s’est efforcée de légitimer Pierre, celui qui hait la race des femmes
Extrait de « Jésus et les femmes » de Françoise Gange

En affirmant […] ainsi la primauté de Pierre, les Actes des Apôtres consacrent donc l’ensevelissement définitif de Marie l’Eveillée, qui, contrairement à ce qui se passe dans les Evangiles, n’est pas même citée. L’apologétique centrée sur Pierre, dans tout ce début des Actes, est si intense et visiblement si peu en rapport avec la personnalité réelle de l’apôtre, qu’il est apparu nécessaire au rédacteur de la justifier. Ainsi, tandis que les discours successifs, très organisés, qu’on lui fait tenir, se révèlent comme de longs développements didactiques concernant l’Histoire Sainte juive (développements destinés toujours à relier Jésus à cette histoire), on peut lire le passage suivant, qui cherche visiblement à rendre crédible cette éloquence inattendue de la part d’un pêcheur sans instruction :

Les chefs, les anciens et les scribes qui se trouvaient à Jérusalem […] constataient l’assurance de Pierre et de Jean et, se rendant compte qu’il s’agissait d’hommes sans instruction et de gens quelconques, ils en étaient étonnés. (Ac IV, 13)

Quoique le texte cite Jean et Pierre, Jean est présenté comme un figurant muet : il ne fait qu’accompagner Pierre, assistant aux guérisons que réalise celui-ci, écoutant les discours qu’il prononce. Tout se passe comme si la mention de cette présence de Jean servait elle aussi à crédibiliser la nouvelle image de Pierre, dont le texte rappelle que, le connaissant et le sachant sans instruction, les assistants s’étonnent de son érudition soudaine.
Il s’agit de faire passer l’idée que la transfiguration de Pierre en chef érudit et d’une autorité sans faille est à mettre sur le compte de Dieu lui-même, qui l’aurait choisi en personne pour prendre la tête de la communauté des Apôtres. Autrement dit, il s’agit pour le parti judaïsant de se légitimer en légitimant Pierre, son chef.

Selon que l’on se tourne vers les Evangiles gnostiques interdits par l’Eglise officielle ou bien au contraire vers les Actes des Apôtres, on a donc deux images très différentes de Pierre. Dans le premier cas, disciple lourd et obtus qui provoque l’agacement de l’Enseigneur et même sa colère par ses vues « qui ne sont pas celles de Dieu mais des hommes », le contraire d’éveillé puisqu’il s’endort par trois fois, la dernière nuit, à Gethsémani, suscitant l’ironie amère de Jésus ; disciple de caractère péremptoire, misogyne « qui hait la race de femmes », désemparé après la mort de Jésus et qui, ne trouvant pas assez de foi en lui-même, tente pourtant de se tourner vers elle, la compagne, la disciple préférée qu’il a toujours jalousée. Ou au contraire, dans les Actes, personnalité de chef, brillant et plein d’autorité, émergeant d’emblée parmi les disciples dès après la résurrection de Jésus. Chef que l’Eglise officielle s’efforce de légitimer en lui attribuant un certain nombres de paroles apologétiques le concernant et qu’on met dans la bouche de Jésus, comme la suivante :

Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. (Mt XVI, 18)

Parole que l’exégèse s’accorde aujourd’hui pour reconnaître comme n’étant pas authentique. (Pages 290-291 – Edition Alphée)


6. L’être humain se réalisera « lorsqu’il fera du masculin et du féminin un Unique »
Extrait de « L’Evangile de Thomas » traduit et commenté par Jean-Yves Leloup

Jésus vit des petits qui étaient au sein.
Il dit à ses disciples :
Ces petits qui tètent sont semblables à ceux qui entrent dans le Royaume.
Ils lui dirent :
Alors, en devenant petits, nous entrerons dans le Royaume ?
Jésus leur dit :
Lorsque vous ferez de deux Un
et que vous ferez l’intérieur comme l’extérieur,
l’extérieur comme l’intérieur,
le haut comme le bas,
lorsque vous ferez du masculin et du féminin un Unique,
afin que le masculin ne soit pas un mâle
et que le féminin ne soit pas une femelle,
lorsque vous aurez des yeux dans vos yeux,
une main dans votre main,
et un pied dans votre pied,
une icône dans votre icône,
alors vous entrerez dans le Royaume !
(Logion 22)

[…] Le haut doit toucher le bas. Ce n’est pas une lapalissade, mais une indication de travail. Beaucoup n’ont pas la tête sur les épaules ; ce qu’ils rêvent est souvent contradictoire avec les pulsions de leur corps. Le haut et le bas sont quelquefois totalement séparés. L’intégration du céleste et du terrestre, la non-opposition du charnel et du spirituel, telle est l’œuvre du gnostique. Cela passe aussi par l’intégration du masculin et du féminin, de l’anima et de l’animus. il s’agit de réaliser en nous les noces de l’homme et de la femme, sinon nous chercherons à l’extérieur la moitié qui nous manque ; nous ne nous rencontrerons pas en tant que personnes, indivises et réalisées.
Le thème de l’Androgyne revient souvent chez les gnostiques. Il symbolise l’intégration des polarités masculines et féminines : rigueur et tendresse, intelligence et amour, force et douceur ; il décrit l’être humain dans sa totalité. Cette totalité n’est pas close sur elle-même. Elle rappelle seulement que l’homme est capable d’aimer à partir de sa plénitude, plutôt qu’à partir de son manque. Nos amours ne sont pas que soifs. Ils peuvent devenir fontaines débordantes.
[…] (Pages 93-94 – Editions Albin Michel)


 

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