Réalisations - La rime à tout prix

L’ibis

Il était une fois un drôle d’ibis,
doux comme le pain d’épices
mais raide comme la justice,
qui avait tellement horreur du vice
qu’il en faisait une jaunisse.
Il était né sous d’heureux auspices
et comptait bien tirer bénéfice
de son image sacrée des temps jadis
où le dieu Thot arborait son long appendice.
On disait de lui : « Oh ! Tel ibis
apportera un jour sa pierre à l’édifice ! ».
Fan de Bruce, il se faisait appeler Willis.
Un jour, au bord du Nil au milieu des lys,
lui vint l’idée de porter bonheur sans artifices
à une personne digne de tous les sacrifices.
Il se mit à chercher cette perle rare, brillante et lisse
durant ses nombreuses pérégrinations migratrices,
en Belgique, en France et en Suisse,
mais ne trouva aucun indice !
Après des mois de recherche prospectrice,
et avant que ses forces ne s’amoindrissent,
il la repéra in extremis.
Elle habitait une belle bâtisse
où se révélaient ses talents de décoratrice.
Elle avait un teint de lys;
de la pureté elle était l’exquise esquisse.
Pour ne pas devenir une saucisse
elle ne lésinait pas sur les heures d’exercices
s’auto-serrant fort la vis.
Aurore n’avait pour ainsi dire aucun vice :
elle ne fumait ni cigarette, ni cannabis,
ne buvait ni vin, ni pastis,
et le sexe conjugal était pour elle un délice.
Elle n’avait jamais eu affaire à la police
ni de démêlés avec la justice.
Elle préférait se tenir dans les coulisses
toujours prête à rendre service.
Sur tous les produits elle lisait les notices
et prenait tout ce qui était gratis
pour que d’autres en jouissent.
Elle avait pourtant bien quelques caprices,
mais n’y voyez aucune malice !
Fourbu mais heureux comme Ulysse,
Willis avait fait une halte à Nice
où il décida d’attendre le moment propice
pour agir en coulisse,
bien qu’il ne sût encore comment entrer en lice.
En la matière il était novice
et il n’avait pas de boîte à malice.
Il décida finalement d’appeler ses complices
qui agiraient sous ses auspices.
Ils se procureraient son portrait, même factice,
sur lequel Willis poserait une goutte de pisse
pour en faire une amulette protectrice.
Ca marchait neuf fois sur dix,
mais il fallait que ce fût d’office
Claudine et Joaquim qui la lui offrissent
pour qu’elle ne la jetât pas aux immondices.
Il avait ainsi rempli son office
et s’en retourna dans son oasis
après le solstice,
non sans avoir, en prémices,
envoyé à Aurore 40 souhaits, pas dix
– au diable l’avarice ! -,
qui garantissent
bonheur et longévité puissance six !

Pour Aurore, ma belle-soeur

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