Réalisations - La rime à tout prix

Le lémur et le geai

Le Lémur

Il était une fois un lémur
rempli d’intentions pures
qui se sentait en villégiature
entre les quatre murs,
certes faits de verdure,
où on l’avait installé avec sa progéniture.
Ils firent ensemble le tour de leur masure
et d’instinct s’y surent
en lieu sûr.
Il avait fière allure,
notre lémur,
dans son costume à rayures
fait sur mesure.
Il voulait faire bonne figure
auprès des nombreuses créatures
à fourrure
et à poil dur
qui partageaient la même aventure
dans ce parc de grande envergure.
Mais une espèce d’une autre nature
était lâchée aux heures d’ouverture,
celle-là même qui avait mis la race des lémurs
sans force ni armure
au pied du mur,
et ça le faisait grimper aux murs.
Sans tomber dans la caricature,
ces bipèdes affublés de chaussures
se distinguaient par leur étrange chevelure,
leurs drôles de parures,
et leurs paroles qui bien sûr
avaient beaucoup d’usure.
Certains lui lançaient de la nourriture,
d’autres des vertes et des pas mûres.
Il s’indignait de leur comportement immature
et, dans une certaine mesure,
de leur démesure.
Bref, il ne les appréciait pas outre mesure
et en était arrivé à conclure
que les dresser était une vraie gageure.
Mais un jour, devant sa clôture,
s’approcha avec désinvolture
un de ces êtres dotés d’un disque dur,
qui avait un air qui rassure,
le genre qui murmure
à l’oreille des lémurs.
C’était une femme d’âge mûr
pourvue d’une belle denture.
Elle était nature
et sans fioriture ;
elle incarnait la fraîcheur à l’état pur !
On aurait dit qu’elle sortait d’une peinture
de belle facture
tout en clair-obscur.
Elle était sans commune mesure
avec ses congénères en chaussures.
Intrigué, il décida de la prendre en filature
pour l’examiner sous toutes les coutures.
Elle paraissait de bon augure.
Il en était de plus en plus sûr,
au fur et à mesure
qu’il découvrait ce cas de figure.
Il rasa les murs
pour pas se donner en pâture
et aussi pour pas se casser la figure,
et il apprit d’aventure
à travers ses rires et murmures
que Béatrice aimait la nature
sans hydrocarbure,
qu’elle mangeait de la verdure
sans être exclusivement herbivore, c’est sûr,
et qu’elle ne portait jamais de fourrure.
Il devina qu’elle menait une vie sans bavures
et que d’avancer en âge elle n’avait cure.
Il s’épuisait en conjectures
sur un moyen sûr
d’obtenir sans tomber en déconfiture
et sans faire appel à une doublure
un autographe avec signature
de cette femme éblouissante qui par sa droiture,
son ouverture d’esprit et sa culture
lui faisait entrevoir un futur
moins obscur.
Il dut renoncer à l’aventure
car elle se dirigeait déjà vers sa voiture.
Il cria « A la revoyure ! »
et, le cœur plein d’espoirs et battant la mesure,
s’en retourna chez lui à pas sûrs.

Pour Béatrice
Le geai

Il était une fois un joli geai

qui jactait et cajactait sur tous les toits au sujet

de l’injuste rejet

dont il se sentait l’objet.

Il aurait aimé avoir une face noire comme le jais

pour avoir du cachet

auprès de ses congénères qu’il singeait.

Il avait essayé les plumes de paon, qui l’avantageaient,

certes, mais elles le démangeaient,

si bien qu’il finit par rester nu comme le geai

que la fable point ne ménageait.

Un jour qu’il voltigeait

rue de Rome venant de la place Flagey,

il entendit par une fenêtre ouverte le mot « projet »,

qui sur son moral bien bas fit ricochet

d’un seul jet.

Il interrompit son trajet

et vit Kristine qui encourageait

sans jugement ni colifichet

d’autres humains qui péniblement s’accrochaient.

Il s’installa à la fenêtre comme à un guichet

sans autre objet

que d’écouter Kristine maîtriser son sujet.

Captivé, il but ses paroles comme l’eau d’un auget

et reprit confiance en lui par petits jets

nonobstant qu’il ne comprît pas pourquoi elle se lâchait

tout d’un coup en brandissant des déchets

et des sacs bleus, jaunes et blancs comme des hochets !

Après le cours, il la suivit sur tout son trajet

jusqu’à sa maison qui, oh c’est drôle, des poules hébergeait.

Comme il les enviait d’être à ses crochets !

Il vit que dans son jardin il n’y avait pas de trébuchet1

et que d’autres geais

pas plus noirs que lui y nichaient.

Alors, Kristine, sache qu’un heureux geai

réalise maintenant de nobles projets

et viendra un jour te rappeler, s’il y échet,

que pour beaucoup d’apprenants tu auras été l’archet

de grandes espérances qu’ils se forgeaient.

C’est le profond sentiment que j’ai.

 

1 Piège à oiseaux

Pour Kristine

2 Comments

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